some things about you
avez-vous fait parti des heureux chanceux en entrant dans l'un des abris lors de la pluie de bombe ? si non, où vous êtes-vous caché et comment avez-vous affronté cet événement ? « Ça y est, ça tourne là ? »
« Non madame, ça ne tourne pas, mais je vous écoute. »
« Bien, je vais commencer, soyez attentif surtout ! Je n’aimerais tout de même pas vous ennuyer avec mes histoires, vous savez… »
« B o o m »
C’est effectivement le bruit d’une bombe… Celles qui tombaient du ciel faisaient un bruit différent… C’était du nucléaire. Mais ça tu le sais déjà. Toi aussi… Au final vous le saviez tous, sauf moi. J’étais assez jeune, insouciante et naïve. Chez moi, tout allait bien, nous mangions à notre faim, mes parents s’aimaient, j’étais aimée et j’étais seule. Je n’avais que mes parents pour famille. Nous étions unis. Mais le monde se brisait et nous avec. Rien n’était inévitable et le pire c’est que tout le monde le savait. C’était un jour chaud mais gris. J’étais assise par terre devant la télévision avec du fil dans les mains, mon travail c’était de faire des pelotes de laine pendant que ma mère tricotait des petites chaussettes pour le nouveau-né des voisins. Soudain, la boite à image s’éteignait sans donner plus de signe de vie. A ce moment-là, mon père entra. « C’est l’heure, les stations ont sautées. » disait-il d’un ton sévère qu’il n’avait pas l’habitude de prendre. Etonnamment nos valises étaient déjà plus ou moins prêtes, à croire que le message était passé par la campagne, aussi. En bref nous suivions le groupe, j’étais silencieuse et je réalisais peu à peu que nos vies allaient être bouleversées.
« R e f u s é s »
Étaient les mots qui résonnaient dans ma tête qui venaient d’être prononcés par le soldat devant le grillage. Une sonorité qui me donnait mal à la tête. Nous n’étions donc pas sur les listes. « Je suis une soigneuse, vous avez besoin de moi ! » argumentait ma mère, mais le soldat était évidemment têtu « Vous n’êtes pas sur les listes, vous ne passerez pas les portes. » C’est ainsi que notre terrible destin commençait. Ma mère était nerveuse et mon père me portait pour plus de sûreté et plus de rapidité.
Nous marchions longtemps. Très longtemps. Nous nous stoppions quand la terre trembla. Heureusement pour nous, nous étions dans une ville relativement déserte et on pouvait y trouver une épicerie. Ainsi nous étions à l’abris pendant le bombardement ; enfin comment définir un abri, au final ? C’était quelque chose de difficile en ce temps-là, je me croyais rassurée car nous avions un toit sur la tête mais la zone n’était rapidement plus vivable ainsi nous nous remettions en route.
Le temps passa et les dégâts de la radiation étaient désastreux. Heureusement nous avions quelqu’un qui nous fournissait ce dont nous avions besoin ; je ne sais pas comment ni pourquoi cette jeune femme faisait ça. Et je ne le sais toujours pas. Mais rapidement, face à cette survie bancale une épidémie survint. Une épidémie ? Les effets après-coup de la radiation contre des corps faibles. Faible, comme le mien. Mais les
médicaments avaient toujours un drôle de goût. Ma mère me disait bien de ne pas m’habituer mais c’était trop facile. La facilité sur la difficulté à se contenir. Être intelligente ne veut pas dire ne pas être vulnérable.
Je ne savais pas trop où je pouvais mettre les pieds ni ce que je pouvais toucher ; mes parents étaient constamment sur les nerfs, les jours étaient relativement difficiles pour subvenir à nos besoins.
avez-vous ou aviez-vous de la famille ? quelles sont/étaient vos relations avec les membres de votre famille ? où étaient-ils durant la pluie de bombes ? Effectivement je n’ai fait que de les citer dans mon récit précédent : j’avais un père et une mère. C’était tout ce qu’il me fallait pour être heureuse. À l’époque je ne savais pas que ma mère ne pouvait plus avoir d’enfant après moi, je ne l’ai su que plus tard. Alors nous étions une petite famille, relativement heureuse.
Nos relations étaient basées sur une certaine hiérarchie présente dans la plupart des familles. Ces gens-là m’élevait et je faisais, en quelque sorte, leur bonheur chaque jour. Même si j’étais une bouche en plus à nourrir, avant et après le bombardement bien sûr. Nous étions rarement en conflit car j’ai très vite compris que je ne faisais aucune loi et qu’ils étaient là pour moi, j’ai vite compris qu’une relation conflictuelle ne servait à strictement rien. Alors j’étais simplement gentille et adorable. Avec cette tignasse blonde sur ma tête je ne pouvais pas faire réellement mieux.
Ils étaient donc avec moi pendant la pluie de bombes ou bien j’étais simplement avec eux, je ne m’en rappelle plus très bien. C’était un instant effrayant car je n’avais jamais ressenti autant d’émotions négatives émaner d’eux. Je tentais comme je pouvais de rester sereine, cette joie de vivre accrochée à mon aura, mais je me souviens d’une expérience terriblement difficile : pendant et après. L’après était sûrement plus difficile que le pendant, pour nous tous hélas. Je n’ai pas plus de famille, je n’étais pas spécialement attachée aux habitants de mon ancien village. Ils étaient amants et généreux mais c’était tout. En réalité je connaissais le vilain secret de chacun, les ragots se changent si vite en fait avec des personnes comme ça.
étiez-vous dans un abri ? si oui, quelle expérience y avez-vous vécu ? comment cela vous a-t-il changé ? si non, êtes-vous au courant de ce qu'il s'y déroulait ? qu'en pensez-vous ? auriez-vous préféré endurer les expériences plutôt que de rester à l'extérieur ? J’estime avoir vécu bien pire qu’être dans un abri. Laissez-moi vous rappeler que l’abandon est un sentiment atroce qui rongerait n’importe quel être vulnérable. Vous savez, ce sentiment… d’incompréhension mélangé à de la culpabilité. Cette chose qui vous rend inerte de toute autre émotion et qui vous force à pourrir de l’intérieur. Je pense sincèrement que la douleur psychologique peut largement surpasser les douleurs qui font échos aux expériences qu’ils pratiquent là-bas. Un jour je m’étais renseignée sur le sujet puisque je suis marchande en herbes médicinales et croyez-moi, la destruction psychique à base de « vous-savez-quoi » est bien pire que de devenir un sur homme contre son gré.
Je comprenais et j’étais renseignée par échos, des rumeurs, des ragots, quelque chose qui avait toujours un fond de vérité mais amplifié ou bien dénué de sens. À vous de voir où vous serez la prochaine fois que de telles choses seront dites. Voulez-vous croire qu’on fait du mal aux gens là-bas ou bien qu’on les soigne convenablement ? Je n’ai pas d’avis sur la question étant donné mon jugement faussé de marchande d’herbes médicinales.
Je ne sais pas si j’aurais préféré les expériences vu que nous n’avions de toute façon pas notre place sur la liste alors… Peut-être que j’aurais pu lire dans vos pensées si cela avait été le cas ! Ça vous dérangerait, pas vrai ? Je m’en doute. Mais la survie était la meilleure des options. Cependant, à un moment de ma vie j’ai essayé d’aller toquer à la porte d’un abri. Je me suis ravisée rapidement comprenant que j’étais sans espoir. Et c’est ici que beaucoup de chose ont… Quel verbe utiliser déjà ?
-elle prit sa tête dans ses mains- Je n’en ai aucune idée, veuillez m’excuser.
quelle est votre relation avec votre nouvelle famille ou les personnes avec qui vous survivez actuellement ? quelle est votre réputation au sein de votre groupe ? Avant de parler de ma « nouvelle » famille, peut-être en finir avec l’ancienne pour commencer ? Comme je l’ai dit précédemment : la période antérieure a été l’une des plus difficile… C’est bien ce moment de ma vie où je n’ai strictement rien compris.
C’était un jour où nous étions sortis en forêt pour cueillir des baies et des champignons. Tout se passait bien jusqu’à ce que je m’arrête de compter ma cueillette et que je regarde un instant mes parents… Je pouvais distinguer chaque ride de leur visage pâle. Ma mère avait les joues roses et les mains tremblantes. Mon père ne tenait presque pas droit et se soutenait à des arbres avec un souffle froid. Il n’y avait pas grand-chose qui me venait à l’esprit pour les rassurer. Je me ravisais deux fois d’ouvrir les lèvres pour laisser échapper un son, mais rien ne venait, rien d’intéressant sûrement. C’est alors qu’un coup rapide me venait dans le coin de l’œil. Au même moment ma cheville se prenait dans une racine d’arbre.
« B a m »
Était le bruit de mon corps qui s’écroulait contre un tronc si dur que j’en perdais connaissance. Superbe expérience, vous allez me dire ? Effectivement, surtout quand j’ouvris les yeux et que j’étais nulle part. Nulle part de reconnaissable plutôt. Le plafond était bas et blanc, des murs jaune pâle m’entouraient ornés d’une bande bordeaux d’un terrible mauvais goût. J’étais perdue. J’étais abandonnée.
J’étais à présent seule chez des inconnus qui faisaient ce qu’ils pouvaient. Ils disaient qu’ils m’expliqueraient si j’étais serviable et que j’étais gentille. Ils n’étaient pas si louches que ça après quelques heures passées avec eux. On m’expliqua qu’ils m’avaient trouvé dans la forêt. Une seule et unique question vous brûle les lèvres et brûlait les miennes. Où étaient les miens, de parents ? Partis ? Volatilisés ? Ou bien pire, morts ?
Plus tard j’ai appris qu’ils étaient malades et qu’ils préféraient me laisser entre de bonnes mains et aller mourir en paix et seuls. En me laissant moi-même seule. C’est alors qu’un sentiment de malaise grandissait en moi, avec énormément de questions.
Être intelligente ne rime pas avec être courageuse, téméraire. Peut-être que maintenant oui, mais à mon époque non. Je ne sais pas si je peux croire aux rencontres fortuites mais je trouvais quelqu’un dans la détresse. Je l’avais fixé un long moment avant qu’il n’émerge. Sa voix était rauque et il semblait presque mourant. C’était la première fois que je voyais une telle scène, une telle mise en scène ! tout cela m’intriguait alors que j’approchais, peut-être que si j’avais été un peu
plus intelligente j’aurais pu m’offrir un avenir un peu plus radieux. Néanmoins le vieillard braillait ce qu’il pouvait, j’arrivais à distinguer des syllabes « soigner…herbe…soins…contre…rad…x… » C’était une bien belle opportunité. Un sourire se dessina sur mes lèvres. J’avais la chance de pouvoir donner quelque chose pour ne pas froisser mon égo et soigner ma tristesse.
En l’examinant un peu je lui appliquais les soins nécessaires pour que sa plaie n’empire pas, mais je ne pouvais pas faire plus. Quand il s’accrocha à moi j’en profitais pour lui voler, pardon pour lui emprunter son matériel et ma récompense. C’est ainsi que les changes ont commencé.
La relation que l’entretiens avec ma communauté, laquelle au final ha ha ! C’est que je suis relativement connue. J’arrive à obtenir des herbes étonnantes et aux effets apaisants comme néfastes. J’ai repris les livres de ma mère pour continuer dans cette lignée qui était fort prometteuse ! Aux alentours on me connait pour mes bonnes actions et ce que je peux offrir en tant que marchande. On me connait aussi sous le nom de Riviera la marchande, mais ça il faudra le garder pour vous ! Je ne peux pas me permettre de vous révéler mes bonnes actions !
-elle se pinça fortement le bras de toute sa main l’espace d’un instant ; en cessant de respirer- Non, je ne peux vraiment rien vous dire de plus.
que seriez-vous prêt à faire pour rester en vie ? quelle est la pire chose que vous ayez faite ? avez-vous déjà tué ? Tout dépend du sens que vous donnez au verbe tuer, il peut en prendre tellement ! Si vous me demandez si j’ai tenu une arme dans les mains et attaquer quelqu’un, non la réponse est non. J’en doute en être capable. Néanmoins si vous me demander mon avis… La pire chose que j’ai faite c’est… Mais il ne faudra pas le répéter. J’en suis plutôt fière en y repensant.
Je ne pouvais pas laisser cette femme raconter n’importe quoi sur mon dos. C’était un plan relativement bien pensé, qui allait contredire l’avis d’une experte médicinale ? Qui allait croire un jeune homme qui n’y connaissait rien ? Je l’ai simplement aidée, je le jure. Intelligemment, mais je l’ai aidée. J’ai simplement poussé la barque qui emporta son âme, comme dans les légendes ! Je l’ai simplement aidée à ne pas foutre en l’air la vie que je m’étais rudement construite.
L’annonce le lendemain fut sans appel, préparée par mes soins évidemment.
Je ne laisserais personne me priver de quoi que ce soit, j’ai un rôle à jouer et je compte bien le tenir. Comme n’importe qui j’ai envie de vous dire, peut-être que plus personne n’a d’âme au final. Je l’espère ! Et personne ne me privera de mes marchandises.
en quoi l'apocalypse vous a-t-elle changé ? regrettez-vous le temps d'avant ou profitez-vous des nouvelles aptitudes que la guerre vous a offert ? Je n’ai pas été changée par l’apocalypse, je l’ai simplement vécu. J’ai vécu son début, son milieu… L’apocalypse a changé nos esprits, dans le vrai sens du terme. Elle nous teste, elle teste nos limites sans nos rad-X. Ce test passe par notre forme psychique. Je pense sincèrement qu’elle nous pousse hors de nos limites, hors de nos sentiments, de nos émotions. Pour savoir qui est le plus fort, pour répondre à la question « qui tuera qui le premier ? », « qui mangera qui le premier ? ». Elle nous teste pour trouver les survivants pour une nouvelle époque, pour le début de sa fin à elle. Vous verrez, cela sera une chose incroyable, encore plus si vous êtes en vie ! J’ai hâte, pas vous ?
Je reste néanmoins sceptique sur l’avant et l’après-guerre. Je n’ai, là encore, pas d’avis concret à vous exposer, je suppose que ce que j’ai vécu était bien pour quelque chose. Alors je suppose aussi que ce n’est pas si mal tout ce qui nous entoure. Même si nous pouvons forcément arranger les choses. Nous pouvons vivre agréablement, toutes les créatures que nous sommes mais… Encore faut-il le vouloir. Je n’ai pas envie d’éprouver du regret, en réalité je suis plus heureuse maintenant qu’avant, j’ai mes petites habitudes, mes contacts, ma petite vie… C’est bien tout ce qui compte, ensuite, le reste, nous faisons avec. C’est sûr que d’être traitée de luminescent n’est pas la meilleure des choses mais ce n’est pas la pire des insultes non plus.